Exposition Œuvres choisies

OEUVRES CHOISIES

Galerie Nicolas Bourriaud

Je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour notre quatrième édition d’Oeuvres choisies. Pour cette occasion, la galerie du 1 quai Voltaire expose un ensemble représentatif de la sculpture animalière et figurative des XIXe et XXe siècles. 

Notre sculpteur fétiche, Antoine-Louis Barye (1795-1875) sera représenté par un bronze de fonte atelier Barye-Martin Élan surpris par un lynx (1841). Numérotée 5, cette belle épreuve figure une attaque dont la dimension dramatique est accentuée par la disproportion de taille des animaux. Du vivant de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), nous exposons une terre cuite de la Mater Dolorosa (1869-1870) ; une oeuvre rare dont il existe que peu d’exemplaires et dont la force évocatrice est toujours intacte dans son incarnation d’une douleur muette. On peut encore imaginer l’intensité psychique de cette séance de pose durant laquelle le sculpteur voit son génie catalysé par la souffrance de cette femme, suite à la perte inconsolable de son enfant. De caractère mythologique, citons le superbe Enlèvement d’Hippodamie, vers 1871 d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887) selon un thème issu de la mythologie grecque dont le centaure possède les mêmes caractéristiques que les modèles à la musculature audacieuse exécutés par Rodin pour le Vase des Titans. Un peu plus tard dans la fin du XIXe siècle, intervient Émile-Antoine Bourdelle (1861-1929) avec ici Sapho, deuxième composition (1887) exceptionnel mélange d’austérité et de lyrisme, qui peut être considérée comme une des créations majeures de l’art du sculpteur, marque importante de son affranchissement vis-à-vis de Rodin. Toujours dans la lignée du grand maître, il faut remarquer cette touchante Salomé, bronze de Naum Aronson (1872-1943) dont les lignes du dos et de la nuque ne sont pas sans rappeler la célèbre Danaïde. 

Avant de poursuivre plus en avant le domaine de la sculpture figurative du XXe siècle, cédons la place à nos chers animaliers des années Trente. En dépit d’une carrière interrompue trop tôt le talent d'Anne-Marie Profillet a très vite été remarqué par François Pompon, qu’elle croise par hasard au Jardin des Plantes, et qui l’encourage à garder son propre style. Si la comparaison avec le maître est inéluctable dans l’adoption de formes calmes, de surfaces lisses et d’un modelé synthétique, la sensibilité est différente, tant dans le rendu de la vérité de l’animal que dans la manière de construire son harmonie plastique. Notre Cane de Normandie n°2 en est une belle illustration. Georges-Lucien Guyot nourrit une fascination profonde pour le singe, dont il observe avec acuité les attitudes si proches de celles de l’homme. Il le représente volontiers en train de penser ou de rêver à l’image de notre Singe hamadryas assis, mains entre les pattes, un modèle très rare qui n’a été édité par la fonderie Susse qu’en six exemplaires de 1936 à 1943. Le Lama d’Armand Petersen fait partie des chefs d’oeuvre de l’artiste tant il traduit admirablement, avec une simplicité toute apparente, l’allure élégante et la fierté de l’animal. Le modèle est pourtant extrêmement rare puisque seuls deux exemplaires en bronze ont été identifiés à ce jour. 

Pour finir, parlons de Charles Bigonet (1877-1931) intéressant sculpteur au destin tragique qui après son prix Abel-el-Tif en 1912, a séjourné en Algérie. C’est dans ce pays qu’il a observé la vie indigène pour en fixer les types et les attitudes. Sa joueuse d’osselets est représentée simplement, assise au sol comme à l’accoutumée en Afrique du Nord. N’oublions pas le grand sculpteur Paul Troubetzkoy (1866-1938) dont l’exposition actuelle du musée d’Orsay retrace la carrière internationale. Parmi quatre sculptures que possède la galerie, nous avons choisi pour cette exposition un bronze à patine verte nuancé, La Pensée. Le sculpteur nous livre ici un simple portrait énergisé par une coupe sous les épaules dont la force évocatrice réside dans l’extrême sobriété du modèle, réduit aux seuls traits du visage, signes visibles de l’expression de la pensée. 

Voici donc un aperçu de notre exposition du mois de novembre quai Voltaire ; j’espère pouvoir vous y retrouver très bientôt.

Nicolas Bourriaud 

Mots-clefs : !default_tags!